- L'installation d'une addiction est la résultante d'une triple interaction
- La substance
- L'individu
- Le contexte, l’environnement
- Milieu familial
- Un facteur de stress durable
- Deux issues face à un stress durable
- Manque de ressources : compétences psychosociales
- Présence de l’alcool et acceptation
- Milieu social et de travail
- Une drogue culturelle
- Remettre les choses en perspective
- La culpabilité et la honte
- Ce n’est pas un échec individuel
- Une vulnérabilité
- Remettre dans le contexte
- Écrire ton histoire
Quand je dis aux gens que j’ai arrêté l’alcool, voici ce que certaines personnes me disent :
"Tu as fait de mauvais choix dans ta vie.", "Tu es faible mentalement.", "Tu as manqué de discernement.", "Il fallait se maîtriser.", "Il fallait faire attention, c’est tout.", "Tu as manqué de contrôle.", "Tu n'as pas fait ce qu'il fallait.", "Regarde, moi, je ne suis pas devenu accro !"
Même si c’est désagréable, je ne peux pas vraiment leur en vouloir car ces réflexions découlent directement de ce que pense notre société. Notre société et les publicités à la télévision nous bassinent avec la modération de notre consommation d'alcool. “Deux verres par jour et pas tous les jours.” Ceux qui ne savent pas tenir cette limite sont considérés comme des immodérés, des personnes impulsives qui ne savent pas se contrôler, qui ne savent pas se maîtriser.
Et même dans les milieux où l'on boit beaucoup, il y a une certaine limite à ne pas dépasser. Cette limite est très subjective, mais en général, c'est si l'on commence à ne plus savoir se tenir, si l'on devient triste ou agressif par exemple. Alors on a dépassé la limite. Et là, c'est presque considéré comme un vice, une tare. Une faiblesse d'esprit ou même un choix moral. Et surtout, c'est la honte.
Alors face à ces remarques que j'ai reçues dans ma vie privée et sur les réseaux, j'aimerais remettre les choses en perspective ! Quiconque va voir un peu plus loin se rendra compte qu'on sous-estime vraiment l'influence de l'environnement et que l'addiction est loin, très loin d'être une affaire individuelle.
L'installation d'une addiction est la résultante d'une triple interaction
La chose essentielle à savoir, c'est qu'en réalité l'installation d'une addiction, d'une dépendance est la résultante d'une triple interaction ! Il y a trois composantes à prendre en compte qui interagissent entre elles. Et on ne peut pas les considérer de manière isolée.
La substance
La première composante est la substance, ou le stimulus pour les addictions sans substances.
Alors dans cet article, je vais principalement te parler de l'alcool car c'est mon sujet de prédilection mais ça vaut pour toutes les addictions.
L'alcool, tout comme l'héroïne ou la cocaïne, est une drogue.
Une drogue c’est une substance psychoactive qui procure du plaisir et qui a un effet addictif. Le potentiel addictif de la drogue c’est la quantité de dopamine qu'elle libère. Pour l'alcool, il y a une augmentation de 50 % de la dopamine par rapport à une récompense naturelle, telle que manger, faire l’amour, écouter de la musique.
Il y a une hausse de la dopamine et donc une augmentation du plaisir et une mémorisation par le cerveau de ce plaisir et de ce contexte.
Pour résumer brièvement, car j'en ai parlé dans mon article "L'origine du craving", plus la hausse de dopamine est forte, plus le cerveau va inscrire le comportement dans les automatismes.
Donc, il y a un effet direct de la substance, il y a une modification de l'activité mentale.
Au début, il y a des déséquilibres dans ton cerveau seulement quand tu consommes qui reviennent à leur niveau de base le lendemain. Puis, au fur et à mesure, à force de consommer, ces modifications deviennent permanentes, durables. À ce moment-là, l'addiction est installée. C’est la dépendance psychologique. Et à force de boire, on va devenir également dépendant biologiquement. C’est la dépendance physique.
Ta manière de consommer joue beaucoup : plus tu consommes de l'alcool en grande quantité et en peu de temps, plus tu as un risque de devenir dépendant rapidement. Même si, attention, on peut devenir dépendant à son seul verre du soir ou même à ses deux seules bières du vendredi soir.
Donc, à l'origine de toute addiction, il y a la substance. MAIS cela ne suffit pas pour devenir addict, pour devenir dépendant. Sinon, on serait tous dépendants !
L'individu
La deuxième composante est l'individu ! C’est très important de savoir que nous ne sommes pas tous égaux par rapport aux drogues ! Il y a des personnes qui sont plus vulnérables que d'autres.
Il y a plusieurs vulnérabilités, plusieurs variables qui favorisent l'installation d'une addiction. Ça ne veut pas dire qu'elle va s'installer de sûr, ça veut dire qu'il y a plus de risques.
Déjà, il y a l'âge des premières consommations. Plus tu commences à boire jeune, plus tu as un risque de devenir dépendant. Car avant 25 ans, notre cerveau n'a pas encore atteint sa maturation totale, il est donc très sensible aux drogues. Donc, quand tu bois beaucoup avant 25 ans, ton cerveau se construit avec l'alcool...
Tu es aussi plus vulnérable si tu es née femme. Les femmes deviennent plus vite dépendantes que les hommes pour une même consommation. Il y a une différence de métabolisme et d'hormones. Je vous ferai un article sur le sujet.
Ensuite, il y a la génétique. L'hérédité génétique explique 40 à 70 % du problème ! C’est beaucoup !
Alors... Il n'y a pas UN gène de l'alcoolisme qui se transmet, mais plusieurs gènes transmis qui peuvent expliquer une prédisposition à la dépendance.
Je vous ferais un article complet sur le sujet, mais il y a, par exemple, le gène codant la neurotransmission de la dopamine. Chez certains, il y a une plus grande sensibilité aux drogues. Et il y a également le gène codant le métabolisme de l’alcool, c’est-à-dire son élimination. Il faut savoir qu’on n’a pas tous les mêmes quantités et les mêmes qualités d’enzymes. Donc on ne métabolise pas tous l’alcool de la même manière. Dans mon article sur le trajet de l’alcool dans le corps, je vous ai parlé des enzymes qui éliminent l’alcool. Donc si cela vous intéresse, allez voir !
Donc, tu hérites de ça, directement de tes géniteurs, qui ont modifié leurs gènes en buvant de l’alcool. Vous en avez fait de même en buvant encore. L’alcool modifie et altère notre ADN. C’est important de le savoir.
Mais attention, ce n’est pas parce qu’on hérite de ces gènes qu’on boit et qu’on devient forcément dépendant. Ce seul facteur ne suffit pas.
Revenons à l’individu. La composante individu comprend également des variables telles que les pathologies mentales, la personnalité, et les traits de caractère. Ces paramètres jouent beaucoup.
Prenons tout d’abord les pathologies mentales. Ces dernières peuvent être génétiques, comme, par exemple, la schizophrénie, le TDAH ou encore les troubles bipolaires.
Ou alors, elles peuvent se développer avec les expériences de vie et les traumatismes. Je pense, par exemple, au trouble de la personnalité borderline, au trouble de personnalité multiple, aux troubles anxieux, etc. Tout cela ne facilite pas les choses ! Derrière la dépendance, il est très fréquent qu’il y ait un trouble associé.
Et quand on a une pathologie comme celle que je viens de citer, on est plus vulnérable aux drogues.
Prenons maintenant les traits de caractère et la personnalité. On peut dire qu’il y a deux grandes portes d’entrée dans l'addiction, et donc deux grands types de caractères :
- La première porte d’entrée c’est la recherche de sensations : ce sont des individus qui ont une sensibilité aux effets plaisirs. Les traits de caractère sont la recherche de sensation, la recherche de nouveauté, de stimulation et il y a un faible évitement du danger. C’est souvent le cas à l’adolescence ! A l’adolescence, on est, par définition, plus impulsif parce que notre cortex préfrontal, responsable du contrôle, n’est pas encore totalement formé, et puis on a envie de découvrir le monde. C’est propre à cette période.
- La deuxième porte d’entrée dans l’addiction est l’évitement de la souffrance : donc, il y a une mise à distance des émotions pénibles et angoissantes. En général, c’est plutôt chez les personnes adultes, mais cela peut être présent chez les ados aussi. Là, il y a plutôt une sensibilité aux effets apaisants de l’alcool. Souvent, ce sont des personnes qui ont une faible estime d’eux-mêmes, des réactions émotionnelles excessives, des difficultés dans les relations, qui sont souvent angoissées, tendues et qui ont un lent retour à l’équilibre après un stress. Donc, l’alcool est un peu utilisé comme un médicament.
On peut très cumuler ces deux traits de caractère, c’est tout à fait possible, et d’ailleurs, c’était mon cas ! 😅
Après, il y a des traits de personnalité qui ne sont pas vraiment des pathologies, il y a l’hypersensibilité qui semble être associée à la dépendance.
Chez les personnes hypersensibles Il y a une différence de câblage dans le cerveau qui peut s’observer à l’IRM, c’est comme s’il n’y avait pas de filtre. Et il y a également le perfectionnisme qui est associé très fortement à l’installation d’une addiction.
Mais attention ⚠️ Ce n’est pas parce qu’on est perfectionniste ou hypersensible qu’on va finir dépendant, pareil pour les pathologies mentales.
Et là, vous pouvez très bien me dire, et bien voilà, la dépendance, c’est une question de caractère ! De personnalité ! Ça ce sont des remarques que j’entends très souvent ! Et j’ai déjà eu des débats houleux à ce sujet. “Si tu es devenue addict, c’est parce que tu manquais de force. De mental.” “Tu n’avais pas un fort caractère pour résister.” “Quand tu étais ado, de toute façon tu étais impulsive et incontrôlable.” Et oui, je peux potentiellement être d’accord avec tout ça, c’est vrai !
Mais en fait, il y a quelque chose que je ne supporte pas, c’est qu’on explique l’addiction et les choses en général uniquement par cette composante individuelle. Comme si cela ne dépendait que de soi. C’est tellement culpabilisant et tellement réducteur, je trouve.
Et c’est ce que fait la société. Pour la société, si on voulait stéréotyper l’addict, on s’arrêterait là! Il y a une substance et un individu qui n’a pas de mental, qui ne sait pas se maîtriser et ça s’arrête là.
Donc c’est pas étonnant que je me retrouve à avoir ce genre de débats dans mon entourage.
Mais en réalité, la société oublie, ou ferme les yeux plutôt, sur la troisième composante...
Le contexte, l’environnement
Cette composante est le contexte, l'environnement ! Et cette composante, je vous l’ai dit au début d’article, elle est en interaction avec les deux autres.
Alors déjà dans un premier temps, on ne peut pas dissocier l’individu du milieu dans lequel ce dernier a grandi ou du milieu dans lequel il est en train de vivre. Le milieu familial influence fortement l’individu.
Milieu familial
Il y a certains contextes qui favorisent la consommation et donc l'installation dans la dépendance !
Par exemple, c’est le cas des familles au sein desquelles il y a un climat de violence.
Là, je ne vous apprends rien de fou, mettez une personne dans un environnement pourri avec de la violence verbale et/ou physique, des abus, de la négligence et il aura plus de risque de devenir dépendant qu'une personne qui vit avec des personnes non toxiques et bienveillantes.
Plus la famille est dysfonctionnelle, plus il y a de risques de devenir dépendant.
Chez les enfants ce sont des situations qui peuvent créer des pathologies mentales comme le trouble borderline ou le trouble de personnalité multiple, par exemple. Il y a également des troubles anxieux qui peuvent se développer.
Par exemple, des parents imprévisibles dans leurs émotions et incohérents dans leur éducation vont faire d'un enfant, un adulte qui ne se sent en sécurité nulle part, qui se sent toujours en danger.
Vivre dans une situation anxiogène ça peut aussi donner un adulte impulsif, incontrôlable, voire violent. Parce que souvent quand on est enfant, on imite les adultes de notre entourage. Et d'ailleurs, si nos parents règlent leurs problèmes avec l'alcool, on va apprendre à régler nos problèmes avec l'alcool. Il n’y a pas d’autres façons de faire.
Et donc ça, ça mène à des comportements dont on peut souffrir. Et donc ça favorise les conduites d'alcoolisation parce qu’on va vouloir éviter la souffrance.
Et même sans violence, le climat d’une famille peut être anxiogène, dysfonctionnel selon le type d'éducation.
- Certaines familles ont des attentes disproportionnées envers leur enfant. C’est l’amour conditionnel. L'enfant doit être parfait, il est donc surchargé de travail et de loisirs. Et il n’est jamais assez. Ce qui produit chez lui un stress et un perfectionnisme qui le mène tout droit à l'alcool. L'alcool permettant de lâcher prise.
- D’autres familles sont trop laxistes, elles laissent à leur enfant une totale liberté. L'ado est en roue libre, en manque de repères et de limites et dans ces cas là, il y a un risque qu'il boive trop
- À l'inverse, certaines familles ont une éducation trop stricte, c’est le cas souvent dans les familles religieuses. Elles empêchent leur enfant de sortir et de faire ses propres expériences. L'enfant est brimé. Les amis sont triés par les parents. Les goûts et couleurs des enfants qui s’éloignent de ce que veulent les parents sont critiqués. Le libre arbitre n’est pas du tout favorisé. Souvent les parents pensent bien faire, mais croyez moi, c'est une bombe à retardement. Et je sais de quoi je parle !
Petite parenthèse. Il y a un truc aussi que je déteste, c'est quand mon entourage proche me dit : "Oui, tu nous as fait une belle crise d'adolescence !" “Quand tu étais ado, tu étais incontrôlable” Alors déjà, il y a un problème là-dedans, c'est qu'on parle de la crise d’ado comme si c'était pathologique. J'ai suivi des cours universitaires sur l'adolescence difficile où ils nous expliquaient que la crise d'ado est normale en réalité : l'enfant veut se démarquer des parents, il traîne avec ses potes à lui, c'est le moment des premières expériences, il affirme ses goûts, etc. C'est propre à cette période. Si les parents acceptent cette période comme étant normale, s’ils laissent leur enfant expérimenter le monde, définir ses propres goûts. S’ils acceptent surtout de ne plus avoir le contrôle, de ne plus être tout pour l'enfant. Et s’ils acceptent d'être juste en toile de fond au cas où il y a un problème, alors la crise d’adolescence se passe bien. L'adolescent, il sait qu'il peut expérimenter en sécurité et revenir vers ses parents s'il en a besoin. En réalité la crise d'ado, elle se passe mal quand les parents, qui font de leur mieux avec leur histoire, on est d'accord, quand les parents réagissent mal à cette distance que prend l'enfant, que prend l’adolescent. Ou ils sont trop laxistes et ils laissent totalement faire. Ou alors ils sont trop rigides. Et là l’adolescent, il fait une réaction à son environnement. Donc c’est pas vraiment sa faute en fait. Je vous en reparlerai dans un autre article mais je trouve que c’est important de préciser ça pour ceux d’entre vous qui ont fait cette fameuse "crise d'adolescence" et qui ont régulièrement des remarques de la part de leur entourage. Voilà fin de la parenthèse.
Donc l'environnement dans lequel tu as grandi, c'est-à-dire ton milieu familial, a très fortement influencé la construction de ta personnalité et de tes traits de caractère ! Il a même pu te créer des pathologies mentales. Donc encore une fois ce qui est important à comprendre c’est qu’on ne naît pas tous avec les mêmes bases dans la vie.
Et là je parle beaucoup du milieu dans lequel on a grandit, mais on peut vivre aussi dans un milieu anxiogène en étant adulte : un milieu où il y a de la violence, de l'abus, une non-expression des émotions, de l’humiliation, etc. Ces situations sont très délétères pour la santé mentale de la personne. Il y a donc plus de risques de développer un trouble des conduites addictives. Il y a même me fait d’être seul, de vivre seul. Si on n'a pas de soutien dans son entourage, si on n'est pas entouré, ça peut favoriser l’entrée dans l’addiction.
Il a d'ailleurs été prouvé que vivre dans une situation anxiogène augmente l'effet de plaisir de l'alcool ! C'est-à-dire la dopamine libérée. C’est un truc de fou. Plus on vit dans une situation anxiogène, plus la drogue va nous paraître apaisante, intense et plaisante ! Et donc plus l'effet est intense, plus on va vouloir le répéter, ce qui renforce le comportement encore et encore, et donc l'entrée dans la dépendance. Donc on voit donc qu'il y a une interaction entre le contexte et la substance également.
Déjà, ce qu'il faut bien comprendre, c'est que pour qu'il y ait une addiction, il faut qu'il y ait eu à la base un facteur de stress durable.
Un facteur de stress durable
Un facteur de stress durable c’est un problème de vie qui crée un mal-être. Par exemple, un ou plusieurs traumatismes, une rupture, un deuil, la perte d'un travail, une situation anxiogène, la personne vit dans un stress qui se répète etc. Et très fréquemment une “crise d’adolescence” entre guillemet. Souvent en réaction à l’environnement donc. Il faut savoir que l’addiction prend souvent racine dans l’adolescence.
Mais tous les enfants et adultes vivant une situation difficile ou vivants dans une situation anxiogène ne deviennent pas dépendants ! Heureusement…
Deux issues face à un stress durable
En fait, face à un stress durable, il y a deux issues :
- La première issue est que le problème se résout de lui-même. Si le problème se résout de lui même c’est parce que la personne a bénéficié de soutien, des ressources dont elle avait besoin et parce que elle avait la possibilité de se diriger vers d'autres investissements pour apaiser son stress. Par exemple, un enfant dans une famille dysfonctionnelle peut recevoir de l'aide d'un adulte extérieur : un professeur, un coach de sport ou autre qui va lui apprendre à se relaxer, à gérer ses émotions et l'encourager à s'investir dans une activité saine pour lui. Alors cet enfant à moins de risque de se diriger vers l’alcool. La rencontre avec cet adulte est un facteur de résilience. Un autre exemple, une personne perd son travail mais elle bénéficie du soutien de son entourage, de la possibilité de discuter avec des personnes ayant vécu la même chose, elle obtient de l'aide pour retrouver du travail, et en plus de tout ça elle a eu des parents formidables qui lui ont bien appris comment faire face aux difficultés de la vie. Face à ce stress, cette personne va se détendre et passer en mode résolution de problème. Elle a donc moins de risque de se diriger vers l’alcool.
- La deuxième issue, qui n’est pas vraiment une issue, c’est tout simplement l’alcool ou une autre drogue. C’est dû au fait que la personne n'a pas reçu de soutien, elle était seule avec son souci. Et elle n'a pas eu non plus les ressources pour faire face. On ne lui a jamais appris à se détendre, à gérer ses émotions et à gérer les difficultés de la vie de manière naturelle. Elle n’a jamais appris à se diriger vers des investissements plus sains. Dans ce cas-là, la rencontre avec la drogue, l'alcool va être salvatrice. Ou si la rencontre avait déjà été faite depuis longtemps, les barrières, les limites que cette personne s’était promises de ne jamais dépasser vont sauter.
L'alcool apaise son stress, son angoisse et met à distance les ennuis et la douleur.
Donc il y a un apaisement, mais un apaisement à court terme. Car les effets à long terme se font sentir et pour les repousser toujours plus, il faut avoir un usage régulier de la substance. Et là, c'est le cercle vicieux.
Donc, tu vois ou je veux en venir, quel que soit le problème de stress et l'âge auquel il se développe, à la base de toute addiction, il y a surtout le fait que l'enfant, et donc la personne adulte plus tard, n'a pas eu accès, dans son éducation, à des ressources pour faire face aux difficultés de la vie.
Manque de ressources : compétences psychosociales
Ces ressources, ce sont les compétences psychosociales. Les compétences psychosociales c’est la capacité d’une personne à répondre avec efficacité aux exigences et aux épreuves de la vie quotidienne. C’est l’aptitude à maintenir un état de bien être mental, en adoptant un comportement approprié et positif à l’occasion des relations entretenues avec les autres, sa propre culture et son environnement.
Il y a trois catégories :
- La première catégorie, ce sont les compétences cognitives : avoir conscience de soi, savoir se maîtriser, prendre des décisions constructives. C'est aussi avoir une pensée critique, avoir une pensée créative et savoir résoudre des problèmes.
- La deuxième catégorie, ce sont les compétences émotionnelles : avoir conscience de ses émotions et de son stress, réguler ses émotions, gérer son stress.
- La troisième catégorie, ce sont les compétences sociales : communiquer de façon constructive, développer des relations constructives, résoudre des difficultés. C'est aussi avoir de l'empathie pour les autres et être habile dans les relations interpersonnelles.
Ces compétences nous permettent de faire face aux problèmes de la vie. Quand on entre dans l'addiction, c'est qu'elles n'ont pas été développées ou peu.
Normalement, ce sont nos parents qui sont censés nous permettre de développer ces compétences. Mais encore faut-il qu'ils aient pu eux-mêmes les développer. Malheureusement, les générations précédentes n'étaient pas très à la page sur ce genre de sujet. Donc, on peut ne pas savoir faire face à la drogue, même quand on a eu une famille aimante et non violente. INSISTER !
Quand on n'a pas été éduqué à ces compétences, la drogue, l'alcool devient la voie facile et privilégiée pour résoudre les problèmes de la vie. Car il nous donne tout ce dont on a besoin à court terme : une désinhibition pour se détendre en soirée, pour être moins timide, pour réussir à parler sans stresser. Souvent ça nous donne les qualités qu’on a pas, c’est pour ça que beaucoup de personnes qui se pensent extraverties sont en réalité introverties. Cela permet également de résoudre les problèmes à court terme (ou plutôt de les reporter). Cela permet de gérer ses émotions et son stress (ou plutôt de les enfouir). Cela permet, quand on est victime de violence physique ou verbale, de devenir insensible aux coups et aux paroles. Cela permet, quand on est hypersensible, de se mettre dans une bulle de protection dans ce monde qui nous paraît injuste et violent. Cela permet de tout lâcher, de lâcher prise complètement quand on est perfectionniste.
Quelle que soit la souffrance vécue, cela permet de s'évader, de s'anesthésier, de ne plus penser. Si on n'a pas d'autres manières de faire tout cela, si on n'a pas d'autres investissements, on fonce droit dans l'addiction.
Donc, on voit que la capacité à dire non aux drogues et à ne pas se laisser entraîner et globalement à faire face aux difficultés de la vie de manière saine dépend beaucoup, encore une fois, de la composante contextuelle.
Encore une fois la composante individu est en lien avec la composante contexte. Cela dépend beaucoup de l’éducation qu’on a reçue enfant ou ado et du soutien affectif et émotionnel dont on disposait.
Présence de l’alcool et acceptation
Alors, un autre facteur qui influence beaucoup l'installation de l'addiction, c'est la présence de la substance au sein du milieu familial ainsi que son niveau d'acceptation par ce même milieu.
Là, non plus, je ne vous apprends rien de fou. Si la personne vit ou grandit dans une famille où l'on boit beaucoup, elle court un plus grand risque de boire beaucoup elle-même.
Et c'est particulièrement vrai pour les enfants qui naissent et vivent dans un milieu où on boit beaucoup. Une fois de plus le contexte influence l’individu.
Déjà pour la génétique, il y a plus de risque d’hériter d’une prédisposition de ses parents et ensuite parce que l’alcool est disponible tôt dans la vie de l’enfant.
Dans ces familles-là, le premier verre d'alcool est consommé très tôt. Le prétexte, c'est qu'on apprend à l'enfant à boire. Mais c'est aussi un rite de passage : "Tu as le droit car tu grandis". Donc, c'est la mini-coupe de champagne donnée à l'anniversaire, c'est le premier verre de rosé servi par l'oncle lors d'une fête de famille... Mais c'est aussi, pour les un peu plus âgés que moi, le sucre trempé dans l'alcool donné par le grand-père. "Ça va te fortifier ma petite !" Et j'ai constaté plus récemment, maintenant, que c'est la bière sans alcool donnée à l'enfant. Il faut savoir qu'un élève de 6ème sur deux a déjà consommé de l'alcool au moins une fois au cours de sa vie. Et pour 29,8% d'entre eux, la consommation était en présence des parents.
Dans ces familles, l'alcool est valorisé, encouragé. C'est convivial... C'est "Hahaha on boit tous comme des trous et tout va bien !" Et moi, ma famille, c'est exactement ça.
La dernière fois j’étais tranquillement en train de regarder des cassettes vidéos que ma grand mère a tourné quand j’étais bébé. Et surprise ! On voit ma famille me faire ingérer le fond d’une bouteille de champagne “pour rigoler” 😅 A moi un bébé de 6 mois ! Puis on les vois chanter : “Eeeeelle est des nôôôotreeeeuh, elle a bu son verre comme les auuuutreeeuh ! C’est une ivrôôôôoooogneeeuh, ça se voit rien qu’à sa trôôôoogne !”
Alors je n’ai pas ingéré beaucoup d’alcool heureusement. Ils m’ont faire boire quelques gouttes. Mais ce qui est frappant c’est à quel point ils ne se rendent pas compte de la portée de leur geste !
Un bébé quand il naît il a des milliards de neurones. Et en grandissant il va en perdre, car il n’y a pas assez de place pour tous ces neurones. Et en fait on ne devient pas plus débiles c’est juste que le cerveau doit faire un choix et donc il va se spécialiser dans les comportements que l’on fait le plus. Il va garder les connexions que l’on utilise le plus. Donc ce qu’il faut bien comprendre c’est que quand on fait boire au goulot un gosse comme ça, et quand bien même il n’y a pas d’alcool, l’enfant va commencer à créer des connexions pour ce comportement. Et surtout, surtout, s’il y a une récompense d’ailleurs. Et là, la récompense elle est toute trouvée c’est l’encouragement de mes proches. Ils chantent elle est des nôtres ! Une chanson que j’ai toujours chanté toute ma vie avec mes amis et je suis contente. Donc là ce qu’il se passe dans ma tête de bébé c’est que j’enregistre le comportement boire au goulot comme étant bon. Et je peux vous dire que j’en ai bu des bouteilles au goulot ! Et je peux vous dire que je l’ai chantée cette chanson ! 😅
Donc voilà c'est pour vous parler un peu de l'ambiance dans laquelle j'ai grandi. On s'étonne que je sois devenue addict après !
Et le pire c’est que j’entends ma grand mère qui dit “Arrêtez ! C’est comme ça que j’ai commencé moi !” Ma grand mère qui a cette époque, je l’ai appris dans les cassettes, essayait d’arrêter l’alcool à cette période. Elle n’a pas réussi elle est décédée d’un cancer du sein l’année dernière à cause de l’alcool. Car un verre d’alcool par jour augmente de 50% l’apparition d’un cancer du sein chez la femme. Et on voit mon père qui dit “Non arrêtez c’est un bébé !” mais qui sous la pression ose pas trop dire non. Je trouve ça fou la pression sociale, et comme parfois on se retrouve à faire des actes qu’on ne veux pas faire.
Alors, encore une fois, avoir une famille qui boit ne suffit pas pour devenir dépendant, il ne faut jamais oublier la composante individuelle. Par exemple, la plupart de mes cousins ne sont pas dépendants... Mais on n'a pas eu les mêmes parents, ni la même éducation. Et d'ailleurs, même dans une même famille, il y a des différences entre les frères et sœurs. Moi, dernière sœur, on a 10 ans d'écart. Et elle, au lieu de rencontrer l'alcool à l'âge où j'ai rencontré l'alcool, elle, elle a rencontré le sport et elle n'a pas du tout eu la même éducation que moi, qui étais l'aînée.
Alors, ça peut se discuter comme réflexion, mais moi, quand je prends du recul, j'ai vraiment l'impression d'avoir été addict à l'alcool bien avant de commencer vraiment à boire.
En tant qu'enfant, on voit les effets positifs de l'alcool sur les adultes. On voit que c'est convivial, que c'est social, amusant, etc. En réunion de famille, on attend l'heure de l'apéro avec impatience. C'est la récompense après la longue balade de l'après-midi. Et être bourré, c'est marrant ! Ça fait rire ! Tout le monde est dans un délire. Et c'est très drôle à voir quand on est enfant, les adultes font n'importe quoi ! Moi, ça me faisait rire et j'avais envie d'en être en fait.
Et d'ailleurs, petite parenthèse, ça me fait toujours beaucoup rire. J'ai arrêté de boire, mais bizarrement, paradoxalement j'apprécie toujours voir les autres boire, c'est très bizarre.
Alors quand c'est rigolo, hein, parce que parfois c'est pas rigolo du tout.
Et d'ailleurs, il y a des enfants qui vivent avec un entourage où il n'y a pas du tout ce côté rigolo là et en général, pour eux, c'est rédhibitoire. Ce sont des personnes qui, adultes, ne supportent pas les gens bourrés et qui n'ont jamais touché à l'alcool de leur vie. Parce qu’elles en ont trop souffert. Elles ont trop souffert du père, du beau père violent. Et en fait les côtés négatifs de l’alcool ont supplanté les possibles effets positifs.
Moi, personnellement même s'il y avait des côtés négatifs à la consommation d'alcool dans mon entourage, je ne les assimilais pas à l'alcool. Parce que l'alcool c'était cool, etc. Les côtés positifs supplantaient les côtés négatifs. Et pour moi la violence c’était la personne c’est tout. Je ne voyais pas du tout que c’était l’alcool qui modifiait la personnalité.
Donc tout ça pour vous dire qu’en tant qu'enfant, j'avais envie de boire de l'alcool très jeune déjà. J'adorais le rituel de l'apéro, j'adorais les soirées avec la famille élargie. J'ai très vite intégré que "ceux qui ne boivent pas sont chiants". Que l'alcool c'est bien, c'est bon et c'est sans conséquences. Qu'être alcoolique, c'est quand on est tout rouge et qu'on boit dès le matin et qu'en dessous de cette limite, "ça va, ça passe". Et aussi, j'ai intégré qu'être adulte, c'est avoir le droit de boire. Et je me souviens très bien, j’ai des souvenirs très précis ou je prévoie que plus tard, quand je serais adulte, je boirais beaucoup, comme eux ! J'avais prévu !
Donc, quand j'ai été ado et que j'ai voulu devenir adulte, ce qui est normal à l'adolescence, ça n'a pas loupé. C'est comme si on m'avait déroulé le tapis rouge.
Donc, très petite déjà, j'ai appris ce comportement. J'étais déjà conditionnée à boire.
Et en fait, ce qui est important de souligner dans tout ça, c'est qu'il y a un apprentissage précoce. Les parents sont les modèles. En tant qu'enfant, on s'identifie à eux. Et on apprend à boire en observant et en imitant ses parents. Parce que c'est ce que font les enfants. Ils intègrent le mode de vie des parents. Et ils le défendent même avant l'adolescence "Ma maman, elle dit que". Parce qu'on n'a pas encore le recul nécessaire. Et normalement ce sont les parents qui sont censés nous guider dans la vie.
Mais personnellement j’ai eu 0 éducation sur l'alcool. Je n'étais pas au courant des dégâts sur la santé, sur mon cerveau. On ne m'a pas appris les limites à ne pas dépasser. On ne m'a jamais appris à boire doucement. On ne m'a pas appris qu'il y a un temps avant que ça monte et qu'il faut attendre avant de se resservir un verre. La seule chose qu'on m'a apprise, c'est "quand tu seras grande, tu y auras droit. Mais avant ça sans les parents, pas d'alcool avant tes 18 ans". J'avais juste cette règle débile, qui n'avait aucun sens. Donc, comme ça n'avait aucun sens, je l'ai vite transgressée.
Donc on arrive dans la vie avec un système de croyance qu'on n'a pas choisi mais aussi des représentations, une éducation sur l'alcool, des valeurs et un mode de vie qu'on n'a pas choisi ! Et ça, ça joue énormément dans l’installation de l’addiction.
Milieu social et de travail
Et pour ceux qui sont devenus addicts sans avoir une famille comme ça, c’est important de souligner qu’on apprend également dans notre milieu social et dans notre milieu de travail !
Si tu travailles dans un milieu où l'alcool est facilement disponible et est souvent consommé, tu augmentes le risque de devenir dépendant. Je pense par exemple à ceux qui bossent dans les bars ou dans le milieu de la nuit. Combien de gens deviennent dépendants du fait de ce métier ?
Et même dans les entreprises. L’alcool est souvent valorisé. Ça picole sévère dans les séminaires.
Et même, moi je vois mon père qui reçoit chaque Noël une vingtaine de bouteilles d’alcool en cadeaux. Et je trouve ça complètement dingue. Si la personne est alcoolique alors là c’est foutu pour elle. Comment résister à quelque chose qu’on te donne comme ça en cadeau ? En plus c’est du bon vin. Franchement quand on a arrêté l’alcool et qu’on lutte pour pas reprendre c’est dur.
Ou encore je pense à mon frère qui a bossé dans un endroit ou c’était l’alcool à 10h du mat… Et tout le monde trouvait ça normal là bas.
Donc certains métiers facilitent plus que d’autres l’entrée dans l’addiction.
Pareil dans l’entourage social ! Que ce soit à l’adolescence ou à l’âge adulte, si le fait de boire beaucoup est très apprécié dans ton entourage social, si ton milieu de détente est constitué de buveurs réguliers, le risque augmente encore. Tu apprends à boire tout autant.
Je ne sais pas si vous connaissez la phrase “On est la moyenne des 5 personnes que l’on côtoie le plus.” Je la trouve très pertinente ! On est influencés par le monde qui nous entoure ! Entourez vous de personnes qui font du sport et vous allez vous mettre au sport. Entourez vous de personnes qui picolent et vous allez picoler. Personne ne peut résister à ça !
La réalité c’est qu’on est le produit de notre environnement ! Inconsciemment, on est changé par le monde autour de nous et chaque habitude que l’on a est dépendante du contexte ! On sous estime vraiment l’influence de l’environnement sur l’installation de l’addiction.
Une drogue culturelle
Cette acceptation et culture de l’alcool dans notre milieu familial et nos milieux sociaux et de travail elle découle directement de notre culture et donc du pays dans lequel on vit.
On ne se rend vraiment pas compte à quel point on est influencé par le pays dans lequel on se trouve. Beaucoup plus qu’on ne le pense. Et on a tendance à oublier que la France, elle pose vraiment problème de ce côté là…
Alors moi je vis en France donc je vais surtout parler de la France là, mais il y a bien évidemment d’autres pays ou c’est problématique également.
La réalité c’est que déjà, on est très peu informés sur l’alcool.
Dans l’imaginaire collectif, l’alcool n’est pas du tout considéré comme une drogue contrairement à l’héroïne par exemple. Au minimum on la qualifie de drogue douce, ce qui est une grosse erreur, étant donné que c’est la drogue qui fait le plus de dégâts dans notre société.
Et c’est quand même la deuxième cause de mortalité évitable derrière le tabac. Quand je parle dans mon entourage des risques de cancers ou de maladies dues à l’alcool. Les gens me disent : “Mais tu ne te rends pas compte, le pire c’est l’alimentation. Si les gens mangeaient mieux…” Mais le truc c’est que l’obésité et le surpoids comme cause de mortalité évitable viennent seulement en troisième et quatrième positions.
Donc déjà ça c’est des croyances fausses qu’on a. Mais il y a aussi un gros manque d’éducation sur le sujet. Sur les dégâts sur le cerveau, sur le corps par exemple. Ou des choses basiques comme : comment l’alcool s’élimine ?
Je parle régulièrement avec des personnes qui sont surprises de savoir que l’alcool est éliminé à 95% par le foie et qui croient toujours qu’on élimine en allant aux toilettes. Et je comprends totalement, parce que moi avant de m’informer sur le sujet, je ne m’étais jamais posé la question. Je savais que ça abîmait le foie mais je savais pas à ce point là !
Donc on manque d’infos sur le sujet…
On nous balance l’affirmation “L’abus d’alcool est mauvais pour la santé” “Buvez avec modération” à tout bout de champ mais sans réellement nous expliquer pourquoi. Sans réellement nous expliquer que ça détruit nos neurones, que ça détruit notre santé, etc.
Il y a des campagnes de prévention qui sont bien mais c’est dérisoire par rapport à toute la promotion de l’alcool qu’on se prend dans la gueule tous les jours.
Quand on est jeune la prévention n’a pas de sens quand on compare à ce qu’on voit dans notre environnement ! C’est paradoxal.
On voit les adultes qui picolent. Et c’est associé à la fête, la convivialité, le partage, la célébration, etc. Il y a des pubs partout dans la rue pour de l’alcool. Aux arrêts de bus. D’ailleurs il a été montré que ces pubs sont en plus grande concentration près des écoles. Il y a même des influenceurs qui font la promo de boissons alcoolisées… Et on sait l’influence que peut avoir la publicité sur les consciences notamment sur les plus jeunes.
Donc notre pays favorise la rencontre avec l’alcool, très tôt ! Et ça, ça influence la composante individu ! Souvenez vous, plus tôt on rencontre l’alcool plus on a de risque de devenir dépendant.
Alors je vous en parlerai plus en détail dans un article dédié au sujet mais j’aimerais en toucher deux mots ici !
Il y a des études qui ont été faites pour savoir quelles politiques pourraient être efficaces concernant la drogue et plus spécifiquement l’alcool. Ces études ont montrée que la prohibition ne marche pas, on le sait, on l’a vu, ce n’est pas efficace et ça fait plutôt l’effet contraire. Il a été montré par contre que deux facteurs pouvaient jouer et être très efficaces sur l’installation de l’addiction. Ces deux facteurs sont : l’accessibilité de l’alcool et son prix.
Et une chose qu’il faut savoir c’est qu’il y a des pays qui ont décidé que la santé et la liberté de ses habitants est plus importante que l’argent. Ces pays sont la Norvège, la Suède et l’Islande par exemple. Ces pays à l’inverse de la France, ont décidé de jouer sur ces deux facteurs.
Donc dans ces pays l’alcool est beaucoup plus cher et il n’est vendu que dans des magasins spécialisés détenus par l’état. Qui ne sont pas ouverts tout le temps et surtout qui sont interdit aux mineurs. Et dans ces pays il y a également un respect très strict des lois concernant la vente d’alcool aux mineurs et concernant la publicité qui pourrait les atteindre.
C’est très intéressant, ce sont des modèles qui méritent d’avoir un article à eux tout seuls.
En France, au contraire, l’alcool est très facilement accessible par son prix. Si on compare à d’autres pays et à d’autres drogues, comme la cocaïne par exemple. Moi j’en ai consommé et le prix m’a clairement freiné dans mon usage, qui ne pouvait pas être régulier. Je remercie le ciel de ne pas avoir eu de sous durant ma vie étudiante. C’est pour ça que dans les milieux les plus riches, cette drogue là par exemple est plus présente.
Pour en revenir aux facteurs, en France l’alcool est également très facilement accessible par sa disponibilité. Il y a une grande disponibilité.
Quand on va dans un supermarché, parfois le quart du magasin est dédié à l’alcool, c’est complètement dingue. Et surtout les lois concernant la vente d’alcool aux mineurs ne sont pas respectées… Moi je pouvais acheter de l’alcool sans problème à partir de mes 16 ans. J’allais dans les bars aussi, personne ne me demandait ma carte d’identité.
Quand je regarde des reportages sur le sucre ou l’obésité je fais carrément le parallèle avec l’alcool. Dans un reportage d’ARTE assez récent, ils expliquent très bien que le problème vient de plus haut !
On a affaire au même mécanisme des lobbys que pour le sucre et la cigarette. On nous sort des études bancales sur les bienfaits de l’alcool, on nous explique qu’il faut se modérer. Comme si on était les seuls responsables, comme si tout ça ne résultait que d’une volonté personnelle.
Comme si on avait le choix et comme si tout le monde avant les ressources pour faire face ! Pour résister à une drogue. Alors moi je suis désolée mais ça me fait penser à une secte. Vous savez dans les reportages sur les sectes on entend souvent la phrase : “Les sectes se dirigent vers les personnes vulnérables, celles qui ont des soucis dans leur vie, etc.” Et bien le lobby alcoolier il fait exactement la même chose. Ils mettent des pubs devant les écoles ! Il n’y a pas plus vulnérable qu’un enfant. C’est le moment de la vie ou notre cerveau est le moins fort pour discerner. Donc ils ne font que mettre un produit en face de personnes vulnérables. Et conditionner de futures dépendances.
Et la vérité c’est que l’homme n’a pas toujours bu comme il boit aujourd’hui. Il y a eu un bond de la consommation au moment de l’industrialisation. On pouvait faire de l’alcool en grande quantité, ce qui était pas le cas avant, avant c’était très artisanal. Puis pour vendre leurs produits ils ont fait des campagnes de marketing invasives. Tout ça dans le but de faire de l’argent. Pour eux c’est jackpot. Ils savent que leur produit se vendra toujours tant qu’il y aura des dépendances. Donc on s’est fait AVOIR ! Toutes nos croyances sur l’alcool sont des idées reçues sorties tout droit de la tête des publicitaires. L’alcool qui fortifie, l’alcool comme médicament, l’alcool convivial, l’alcool qui rend heureux, l’alcool qui permet de fêter, de célébrer… Je pourrais en citer des dizaines, tout ça, c’est directement issu de la publicité.
Bref, je me suis un peu éloignée mais tu vois ou je veux en venir. Si tu as grandi dans un pays où on boit beaucoup, où l’alcool est socialement accepté, banalisé et où l’alcool est pas cher et pas régulé et bien tu as un plus grand risque de devenir dépendant ! Alors que si tu as grandi dans un pays où on ne boit pas beaucoup et ou l’alcool est régulé et les réglementations sur la publicité respectée, tu as moins de risques d’être dépendant !
Alors pourquoi je te dis tout ça ?
Remettre les choses en perspective
Je te dis tout ça parce que je voudrais que tu remettes les choses en perspective. Souvent, quand on arrête de boire, on a de la culpabilité et de la honte qui ressortent. “Qu’est ce que j’ai fais” “Qu’est ce que je suis devenue” “Je suis une merde” etc. Et souvent ça ressort parce que la société, l’entourage est très dure avec ceux qui ont succombé à la dépendance.
La culpabilité et la honte
La culpabilité c’est quand on pense avoir violé une norme ou une valeur morale. Il y a un sentiment de responsabilité pour quelque chose qu’on a omis de faire. La culpabilité porte sur nos actes.
Et parfois il y a également de la honte qui y est associée. La différence avec la culpabilité c’est que la honte porte sur ce qu’on est. Quand on ressent de la honte, c’est qu’on fait une confusion entre nos actes et notre personne. Une confusion entre ce que l’on a fait et ce que l’on est. Je vous reparlerai plus longuement de la honte dans un autre article.
Ce qui est important à savoir c’est que ces deux émotions, comme toutes les émotions primaires, sont spontanées donc on ne pas choisir de les ressentir ou pas. Et ce sont certes des émotions désagréables mais en réalité elles ne sont pas bonnes pour vous, seulement si elles sont excessives et prolongées dans le temps. Si on entretient ces émotions dans le temps, si on se fouette pour ce qu’on a fait, si on s’auto-critique continuellement, elles ne nous servent pas !
Moi je vois trop de personnes rester là dedans pendant trop longtemps.
En réalité l’émotion à toujours un côté positif, à condition qu’on sache se saisir de l’information qu’elle nous donne dès son apparition. Le côté positif de la culpabilité et de la honte est celui de conduire à une prise de conscience et à un changement de comportement ! Donc je vous encourage vraiment à changer votre regard sur elles. Elles vous font évoluer, bouger et agir pour que les choses changent ! Si je n’avais pas eu de la honte et de la culpabilité à un moment, je n’aurais jamais arrêté l’alcool je pense.
Alors il y a tout un tas de manière d’agir que je ne pourrais pas énumérer dans cet article, mais pour moi la première action à poser c’est d’être bienveillant envers soi. Sois bienveillant envers toi même, comme tu le serais avec un ami.
J’aimerais vraiment que tu prennes du recul et que tu saches que ce n’était pas ta faute ! Tu n’es pas coupable ! Tu n’es en aucun cas responsable de tout ça !
Ce n’est pas un échec individuel
Ce n’est pas un échec individuel. L’installation de la dépendance, on l’a vu, prend en compte le contexte. Et ce contexte, tu ne l’as pas choisi. Tout le monde n’a pas grandi dans les mêmes milieux et tout le monde n’a pas eu les mêmes chances dans la vie ! Tout le monde n’a pas eu les mêmes parents.
Et ce sont nos parents qui déterminent nos ressources enfants, mais aussi nos ressources plus tard, à l’âge adulte. Je me répète, mais c’est important, tu es le produit de ton environnement. Et ce produit-là, mis en face de la substance, ça crée une addiction, une dépendance. On pourrait presque parler d’alchimie.
Et ce sont des facteurs hors de ton contrôle !
Dans ma vie privée et dans mes messages, il arrive que des personnes me disent : “Oui, tu devrais avoir honte”, “Tu t’es mise dans la merde toute seule.”, “Tu as fait un choix” Et je ne suis pas d’accord avec ça ! J’ai pas choisi ça !
Je suis née dans une famille dépendante pour qui boire à outrance est la norme, ceci découlant directement du pays dans lequel je vis. J’étais pas au courant que l’alcool est une drogue, je pensais que c’était normal et c’était évident pour moi que j’en boirais adulte. Il n’y avait même pas de question à se poser, pour moi, c’était ça être adulte. J’ai rencontré l’alcool tôt, au moment où mon cerveau n'était même pas mature et donc impulsif. Et j’ai fait comme je pouvais avec mon caractère hypersensible, anxieux et ce qu’on m’avait donné ou plutôt ce qu’on ne m’avait pas donné, c’est-à-dire une éducation de compétences psychosociales, de la stabilité, de la sécurité, un lieu d’expression de mes émotions, de l’amour et une acceptation inconditionnelle.
À aucun moment, aucun j’ai fait un choix ! Il n’y a pas un petit bonhomme qui est venu, un jour, m’expliquer, là voilà tu as deux choix, si tu choisis ce choix là, il va se passer ça, si tu choisis ce choix ci, il va se passer ça. Ça ne marche pas comme ça ! À aucun moment, j’ai eu toutes les informations à ma disposition. On ne fait qu’expérimenter pour trouver des issues et on réagit à notre environnement, à ce qu’il se passe autour de nous. Si j’avais su où ça me mènerait, si j’avais eu une entière connaissance des conséquences, et si j’avais eu les ressources pour comprendre ce qu’il m’arrivait, j’aurais évidemment fait d’autres choix ! J’aurais fais le choix d’éviter tous les traumatismes que j’ai vécu à cause de l’alcool.
Donc j’espère que tu comprends maintenant qu’en tant qu’enfant, adolescent ou adulte tu as fait comme tu as pu avec les ressources que tu avais ! Tu étais vulnérable.
Une vulnérabilité
J’entends par vulnérabilité le fait que tu étais plus exposé à l’installation de l’addiction que les autres. Tu étais plus exposé au risque de devenir dépendant. Tu n’étais pas en mesure de te protéger efficacement. Tu ne disposais pas de toutes les armes nécessaires pour faire face à une drogue.
Alors, les gens confondent souvent la vulnérabilité avec la faiblesse, mais ce n’est pas la même chose. On peut être vulnérable et fort. Moi, par exemple, j’estime que je suis toujours vulnérable à la drogue, encore plus depuis que je suis devenue dépendante, mais j’estime également être une personne forte… Parce que, de manière générale, depuis petite, j’ai une bonne résistance aux épreuves et à l’adversité, je suis très persévérante et j’arrive facilement à rebondir après un échec. Je suis assez résiliente. Après, il y a bien sûr des moments où je suis faible et c’est OK aussi. Parfois, je me décourage, parfois j’ai besoin des autres, parfois j’ai du mal à rebondir. De toute façon, il n’y a pas de personnes fortes ou de personnes faibles, ça n’existe pas ça. Les gens ne sont pas tout blancs ou tout noirs. On est tous forts dans certains domaines et faibles dans d’autres et c’est OK !
Je le précise parce que j’ai vraiment eu de gros débats à ce sujet dans mon entourage. C’est ancré dans notre société que quelqu’un qui ne sait pas se contrôler est une personne qui a un faible mental. Donc déjà à ces gens là j’ai envie de leur dire “Soyez humble! Ça peut arriver à tout le monde” “On peut être juste dans l’abus d’alcool pendant un temps, ou dépendance psy mais ça se passe bien, mais le jour ou il y a un problème les limites elles sautent très facilement, donc faut être vigilant” Et puis on peut devenir dépendant sans avoir été vulnérable à force de répétition du comportement, c’est pas exclu. Et à ces gens-là, je leur dis toujours la même chose : “Tu ne connais pas le contexte !”
Remettre dans le contexte
Je trouve que c’est toujours important de remettre les choses dans le contexte.
D’ailleurs, une chose que j’aimerais ajouter, c’est que depuis tout à l’heure je vous parle des parents, et on pourrait croire que je mets toute la responsabilité sur eux. Mais pas du tout. Nos parents ont eux aussi vécu dans un certain contexte, dans une certaine société, avec leurs propres parents qui pouvaient être aussi défaillants, dysfonctionnels… Et ça, c’est important de le prendre en compte, ça permet de se libérer de ça. Si mes parents ne m’ont pas éduquée à l’alcool, c’est parce qu’eux-mêmes n’avaient aucune éducation sur le sujet. Si ma mère a été aussi rigide, c’est parce qu’elle a eu une éducation laxiste. Donc, eux aussi ont fait les choses en réaction à leur propre environnement.
Et ça, c’est un truc de fou, vraiment, on a tendance à oublier le contexte dans lequel les événements surviennent. On porte un jugement direct sur ce qu’on perçoit de la personne à un instant T sans aucun contexte et en lien avec nos propres expériences passées. Alors tous les êtres humains font ça, notre cerveau porte un jugement issu de nos conditionnements dans un premier temps. C’est naturel et ça ne se contrôle pas. Mais après, on a le choix d’en tenir compte ou pas, on a le choix de remettre dans le contexte ou pas.
Et moi, je pense vraiment, et c’est mon avis, que le contexte est hyper important. Toujours. Et d’ailleurs, dans ma vie de tous les jours, quand je croise quelqu’un de désagréable dans ma journée, quand quelqu’un me fait du mal, quand je vois quelqu’un faire un truc qui ne se fait pas devant moi, je remets toujours dans le contexte. J’imagine vraiment, je visualise les souffrances que peut être elle traverse en ce moment. Et j’essaie toujours d’avoir de la compassion pour ce que cette personne est en train de vivre. Parce qu’en fait cette personne est probablement en souffrance. Et elle aura probablement honte de ce qu’elle fait, d’ailleurs. Alors je dis bien j’essaie, parce que parfois ce n’est pas évident. Mais j’essaie vraiment de faire ça au maximum. Et si je vous parle de ça, c’est parce que je me sens beaucoup plus heureuse depuis que je fais ça.
Me mettre à la place des gens comme ça, imaginer la journée qu’ils viennent de passer, les épreuves qu’ils sont en train de traverser et ressentir de la compassion pour eux, ça me permet trois choses :
- Déjà ça me permet de ne pas gaspiller mon énergie. De ne pas me mettre en colère moi aussi par exemple, de ne pas faire bouger mon état interne pour les autres qui ont leurs raisons et que je ne peux pas contrôler. Je prends du recul.
- Ensuite, ça me permet de me protéger. En imaginant les circonstances atténuantes de leurs actes, je prends du recul et je me dis que leur acte, leur parole n'est pas une atteinte directe à moi. Donc je me protège. Et ce que j’imagine peut être vrai ou pas, hein, il se peut que la personne ne traverse pas du tout d’épreuve, qu’elle ne soit pas du tout en souffrance, mais je m’en fous parce que l’important, c’est ce que je ressens moi.
- Enfin, et c’est la raison pour laquelle je vous parle de tout ça, c’est que ça permet de pardonner. Par exemple, pardonner à mes parents. Ça c’est un vrai sujet et ça peut être vraiment très difficile à faire. Mais dès que j’ai quelque chose à leur reprocher, je me dis qu’ils ont fait comme ils pouvaient. Et je trouve des raisons à leurs actes. Alors, je n’ai pas encore tout pardonné, parce qu'il y a des choses que j'ai vraiment du mal à pardonner et le pardon c’est un processus long. Mais petit à petit j’espère y arriver un jour. J’ai vraiment besoin de me libérer de ça, de ce passé. Et je vois que depuis que je me mets à leur place, c’est beaucoup plus facile pour moi.
Pour finir cet article et pour rester dans le thème, il y a un exercice que je trouve très intéressant à faire. Je vous propose cet exercice parce que c’est quelque chose que j’ai fais pour moi et que j’ai trouvé très utile pour pardonner et m’apaiser par rapport à mon histoire.
Écrire ton histoire
Je te conseille d’écrire ton histoire. Je te conseille de te poser et de noter un peu les raisons qui font que tu en es arrivé là. L’idée c’est de poser clairement sur papier les causes, les circonstances qui t’ont mené à cette addiction. Je suis sure que si tu te poses deux secondes, tu peux expliquer ton comportement d’un tas de manière différentes. Ce n’est pas obligé d’être long. Si tu n’aimes pas écrire tu peux aussi dessiner ton histoire et tu peux te servir de mon article comme d’un guide. Quelles sont les causes ? Quels sont tes traits de caractère ? Quelles sont tes circonstances atténuantes ? A quel moment les choses auraient pu être différentes ?
C’est important de connaître tout ça, parce que ça permet vraiment d’avoir conscience de tes schémas, de savoir pourquoi tu réagis comme ça parfois de manière automatique. Et ensuite de pouvoir changer tout ça.
Donc dans cet exercice on s’intéresse au passé pour mieux comprendre comment on peut changer le futur. Le but n’est pas de rester bloqué dans ton passé. Le but c’est de recueillir des informations utiles pour t’aider à agir sur ton présent.
Et si tu veux aller plus loin dans l’exercice et seulement si tu te sens prêt à pardonner, je te propose de réécrire cette histoire dans un second jet. Mais cette fois en ajoutant les circonstances atténuantes de tes proches. Pourquoi on t-il agis comme ça ?
Tu peux aussi la réécrire de manière plus positive. Souvent on a tendance à atténuer les côtés positifs de notre enfance et de notre adolescence. On ne retient que les traumatismes et les choses négatives donc ça peut être bien de remettre à la conscience les choses un peu plus positive pour brosser un tableau de ta vie un peu plus équilibré.
Il a été prouvé que les perspectives d’un enfant sur un événement banal, et dont personne ne se souvient, peuvent être totalement exagérées et vécues comme terrible par l’enfant. Alors il y a bien sûre des choses terribles qui se passent, qu’il ne faut surtout pas atténuer. Là je parle surtout d’évènements moins graves. Cela ne veut pas dire que c’était pas grave et pas important, et qu’il faut ne pas lui donner de légitimité. Cela veut juste dire qu’on peut atténuer des événements volontairement, les équilibrer davantage, simplement dans le but de se sentir plus en paix et libéré.